Depuis 2013, Guillaume Mayor s’attache à extraire le meilleur des plantes médicinales qu’il cultive. Dernier arrivé d’une lignée commencée en 1953, par Oscar Mayor, à l’époque producteur de framboises, Guillaume, jeune homme passionné par son métier, nous ouvre son domaine.
Perché à 929 mètres d’altitude, le lieu-dit « Monteiller », en aval d’Icogne, évoque le calme et la sérénité. Quelques fermes anciennes, des arbres fruitiers aux variétés oubliées, des femmes et des hommes dans les champs, quelques tracteurs, on pourrait croire qu’ici le temps s’est arrêté. Pourtant, dans le creux d’un virage, une distillerie, des plus modernes, a élu domicile. Son instigateur, Guillaume Mayor. Le jeune agriculteur n’est pas peu fier de la nouvelle impulsion donnée au domaine familial en 2010. À l’époque, la production se concentrait sur l’élevage de poules pondeuses et sur celui des bœufs de la race d’Hérens, si chère aux cœurs des Valaisans.
Lorsque l’heure de la retraite sonne pour Jean-Michel, leur père, les deux fils s’investissent pleinement dans l’exploitation, Alexandre prend en charge la partie des plumes, tandis que Guillaume décide de développer l’orientation bio de la culture de plantes médicinales. L’objectif : fabriquer des huiles essentielles, en plus de la production destinée à la coopérative Valplantes depuis 1997. « C’était un grand changement, mais nous récoltions déjà ce type de plantes, et nous possédions du terrain pour la nourriture des bêtes. Mes formations en horticulture et en herboristerie se sont avérées de précieuses alliées ».
L’écosystème des plantes
Réparties en petites parcelles pentues, occupant plus de cinq hectares sur une ancienne moraine glaciaire, elles bénéficient du climat contrasté, mais particulièrement ensoleillé de l’adret valaisan, au cœur de la vallée du Rhône suisse. Les plantes thermophiles telles que thyms, origans, sarriettes, sauges apprécient ces conditions. Guillaume Mayor récolte également des espèces sauvages typiques des prairies, des lisières et des alpages de la région : achillée, millepertuis, arnica, absinthe, pâquerettes, genévrier, pour n’en citer que quelques-unes. Une liste de noms, des données topographiques et climatiques ne suffisent pas pour expliquer la philosophie de l’agriculteur. En effet, il a intégré ses plantes dans un ensemble préexistant dont chaque élément contribue à leur bien-être.
Grâce à la biodiversité abritée par les murs de pierres et les haies, la présence de ruches d’abeilles noires, la conservation de vieux pommiers, la rotation des cultures : alternance entre plantes et céréales, l’utilisation de cailloux dans les champs pour réguler les températures, l’exploitation incarne un patrimoine, un univers à part entière. Même le bois, nécessaire au fonctionnement de l’alambic, provient des haies entretenues ou des forêts locales où les résineux indigènes : pins, sapins blancs, épicéas, arolles et mélèzes poussent en abondance. Autre élément crucial : l’eau. « À Icogne, l’approvisionnement vient directement de la vallée du Rawyl. Aucun entrant, la pureté de l’eau s’avère indéniable ».
Un accompagnement quotidien
Naître dans une famille d’agriculteurs ne signifie pas toujours en devenir un soi-même. Mais lorsque c’est le cas, qu’on s’intéresse aux plantes depuis l’adolescence, et qu’on veut travailler à l’air libre, être agriculteur s’impose petit à petit comme une évidence. Malgré une formation d’horticulteur-paysagiste, Guillaume Mayor a préféré cultiver son jardin que ceux des autres.
Chaque jour, il suit ses plantes, cent cinquante mille plantons, depuis leur plantation jusqu’à leur « sacrifice ». Chaque jour, il leur rend visite, leur parle et les observe. D’ailleurs, l’observation représente la qualité première de son activité. « Le travail de la terre demeure tributaire de la météo. Bien anticiper ses fluctuations en surveillant les sols, rester attentif au vent, aux températures ou à la pluie, c’est la base ». Quand la récolte est terminée, la création des huiles essentielles requiert d’autres compétences, notamment techniques. Guillaume Mayor les a acquises chez un maître distillateur en France. « Je me suis formé à l’utilisation de l’alambic. La collaboration avec le distillateur, officiant comme chimiste, était très riche. Nous avons partagé nos savoirs. Je lui parlais de la culture des plantes, et de son côté, il évoquait leur composition ou leurs réactions lors de l’extraction. À mon retour, seul avec mon alambic, tout n’a pas fonctionné à merveille immédiatement, mais j’ai vite appris de mes erreurs ».
Après neuf années de pratique, la maîtrise de la machine et de son essencier nécessite encore une attention optimale lors du processus, mais le visage de l’agriculteur resplendit. Tous les efforts consentis ont porté leurs fruits. Aux huiles essentielles et aux hydrolats s’ajoutent des huiles de cuisine, de massage, des vaporisateurs d’ambiance, des infusions, et des produits de beauté. Il existe en Suisse, et particulièrement en Valais, un réseau de structures très actives dans la production de cosmétiques haut de gamme, valorisées par le « Made in Switzerland ». Elles reçoivent le soutien de l’Agroscope, orienté vers la recherche autour des plantes médicinales, et du PhytoArk, axé sur le développement de produits issus de celles-ci. Ces structures travaillent avec les agriculteurs pour les aider à trouver des solutions à leurs problématiques.
Huiles essentielles, médecine naturelle, bien-être, des notions très en vogue depuis la pandémie. La demande des produits de L’Essencier a explosé. À la boutique située sur le lieu même de fabrication, mais surtout sur internet. Pour répondre au plus près aux préoccupations environnementales des consommateurs, une ligne d’emballages en verre remplace progressivement ceux en plastique. Une nouvelle harmonie se crée, et tout semble aligné pour que Guillaume puisse continuer ses explorations tout en ravissant vos sens.
Pour tout renseignement : https://essencier.ch/
Comments