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Photo du rédacteurNatacha de Santignac

Seule avec le papier

Murzo, dessinatrice de père irlandais et de mère allemande, a vécu sept années à Ovronnaz entre cinq et douze ans. Pour notre édition spéciale, elle a accepté, de bonne grâce, de nous livrer un dessin. L’écriture lui faisant régulièrement de l’œil, Murzo rédigera un poème pour notre prochaine édition. Retour sur le parcours d’une enfant du pays devenue artiste.


Des années d’enfance à Ovronnaz, que Murzo qualifie d’idylliques, reste le souvenir ému de l’insouciance, de la naïveté et de la liberté. « On partait le matin avec un pique-nique et sans adulte, on rentrait le soir. À part chuter, aucun autre danger ne nous guettait. Tout le monde avait confiance. En hiver, lorsque la neige tombée drue, et que le bus scolaire ne passait pas, on faisait de la luge. Le déménagement en plaine a bousculé tous mes repères. » Cet épisode n’a pas plongé Murzo dans le dessin, non, car il l’avait déjà apprivoisée depuis longtemps, mais les coups de crayon se sont démultipliés.


Se conformer au modèle

Après le collège, afin de suivre une voie « sérieuse », Murzo commence un cursus de droit à Genève. Cela ne lui plaît guère, aussi décide-t-elle de partir à Dublin. Là-bas, son trilinguisme lui ouvre des portes, et elle travaille dans une grande société commerciale. À son retour à Sierre, forte de son expérience, elle tente dans des études d’économie d’entreprise à la HES SO tout en continuant une activité professionnelle. Trop plein, mal être, Murzo craque. Son hospitalisation sonne le glas de ses tentatives de conformité. « Mon père m’a soutenue, et m’a demandé ce qui m’importait vraiment. À part dessiner, je ne voyais rien d’autre. Je suis partie étudier le dessin 2D à Vancouver, puis j’ai habité à Paris, où j’ai occupé un poste au sein d’une société de communication visuelle, tout en me formant aux outils informatiques du graphisme.  De retour au Canada, mais cette fois à Toronto, Murzo ne s’intègre pas. L’hiver, avec ses -20°, le manque de perspectives ainsi que la solitude la minent. Alors pour vaincre son spleen, elle s’empare de clichés de ses ami.e.s, et les dessine chacun.e.s encore et encore.


Un coup de crayon reconnu

Petit à petit, elle montre ses réalisations, obtient des commandes, et ses œuvres entrent dans des galeries en 2013. Son créneau : les portraits grandeur nature ; ses outils : du papier, des fusains et des graphites. Depuis son retour en Suisse, Murzo a exposé son travail à Lausanne, Ardon, et Martigny-Bourg, par exemple. Il patiente actuellement à la fondation Fellini à Sion que les mesures covid-19 lui permettent d’être visible. « Au départ d’un projet, il y a une rencontre, si ce n’est pas directement avec moi, c’est par l’entremise de l’un de mes dessins. Au XXIe siècle, les commanditaires ne posent plus pendant les dizaines d’heures que dure la réalisation. D’abord, je discute avec la personne, je lui demande ce qu’elle apprécie dans mon travail, à quel lieu est destiné le portrait, et pourquoi elle entreprend la démarche. Ensuite, afin que je puisse officier en solo, j’organise une séance photo au cours de laquelle je pousse le ou la modèle à me livrer sa profondeur, ce qui l’anime. Poser ne sert à rien. » Lorsque toutes les données ont été collectées, le dialogue en tête à tête avec le dessin peut commencer dans la solitude, le calme. « L’idéal : parvenir à un état où le temps et l’espace disparaissent. C’est crucial, sinon les cent vingt heures nécessaires paraîtraient insurmontables. Progressivement, un attachement à sens unique se développe, pourtant les coups de crayon et moi échangeons : ils m’apportent beaucoup, et je leur révèle aussi une part de mon être. »


Lorsque la livraison arrive et qu’il faut se dire « au revoir », un flux d’émotions peut survenir tant du côté de Murzo que du côté des modèles. Être face à face avec son image s’avère un exercice périlleux, car on se rend compte de notre vulnérabilité, de ce qu’on a donné à l’artiste. Peut-être même découvre-t-on des aspects inattendus ou inavoués de notre personnalité. Qui de vous osera l’expérience ?


Renseignements :


@murzoart



Portrait de la dessinatrice Murzo par Fahny Baudin
Portrait de la dessinatrice Murzo par Fahny Baudin






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