Tu marches vite, très vite. Tout à coup, ton regard vagabond est happé par ce que tu aperçois dans la vitrine et ton pas soutenu se fige. Tes yeux pétillent et une joie en feux d’artifice jaillit de tes prunelles. Tu me dévores. Tu es captivée par l’élégance de mes coutures, la douceur de mes textures, la luminosité de mes couleurs.
Tu m’imagines déjà à tes pieds quand tu seras assise à ton bureau, quand tu longeras les couloirs familiers de l’aéroport CDG, quand tu iras au cinéma avec ton homme. Ah, quand il te déchaussera suivant de ses mains tes bas couture. Tu as envie de moi presque autant que de lui!
Pourtant une ombre te traverse, douterais-tu ? Tu me trouves si belle, si élégante ! Ne laisse rien te détourner de mes tatouages, de mon pelage. Je suis parfaite ! Cesse donc tes enfantillages ! Un sourire revient enfin sur tes lèvres, tu vas venir à moi, tu vas entrer et me chausser. Je le sais, je le sens.
Tandis que tu pousses la porte d’une main ferme, tes yeux restent rivés sur moi. Des bonjours en cascade résonnent dans la boutique. Tu frissonnes en me désignant, tu rougis même. Tu es conquise, je jubile. Tu vas te glisser en moi, tu vas me caresser. Il n’y aura aucune résistance, c’est toi que j’ai choisie. Tu t’assois sur la banquette noire au centre de la boutique, je suis cueillie dans la vitrine pour ton seul et unique plaisir. Je me sens comme la pomme du jardin d’Eden.
Les souliers que tu portes ont déjà rendu les armes, ton cœur a chaviré, ton chemin est ailleurs. Ma sœur jumelle arrive dans son écrin de papier de soie. Nous voici en trio : elle, toi et moi. Tu nous observes puis ta main plonge et tu nous poses toutes deux fébrilement sur la moquette épaisse et rouge. Les semelles déchues sont négligées et nous sommes pénétrées sans autre forme de procès.
Peau contre peau. Il est bon d’être en nous. Tu prends ton pied. Tes mains nous font vibrer. La douceur de ta peau nous tourne la tête. Tu te lèves, tu te mires, c’est décidé. Nos pas sont en route, plus rien ne peut nous arrêter.
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