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Photo du rédacteurNatacha de Santignac

L’Essence du Papier

Dernière mise à jour : 29 juil. 2021

Travaillant le papier depuis plus de quarante ans, l’artiste papier Viviane Fontaine, conjugue recettes mystérieuses et créations. Chez elle, dans la Gruyère profonde, en Suisse, les techniques ancestrales japonaises se marient au savoir-faire local, et se parent de leurs plus beaux atours.


Ce sont d’abord des yeux lumineux et pétillants qui m'ouvrent la porte de ce chalet datant de 1789. Viennent ensuite un sourire solaire, une voix douce et accueillante, celle d’une grande dame élégamment vêtue. À 67 ans, Viviane Fontaine rayonne d’énergie et de projets entre le Japon et la Suisse. Elle découvre ce pays lointain en 1987. À force de persévérance, elle est envoyée par le consulat du Japon de Genève pour y étudier. Sur place, elle rencontre Torimatsu Hara, un artiste au parcours singulier. En effet, c’est à plus de soixante-dix ans que cet homme décide de devenir ouvrier papetier après une très longue carrière dans l’enseignement. Aussi doué que passionné, Torimatsu Hara devient artiste. Il endossera le rôle de maître auprès de Viviane, et ils resteront liés jusqu’à la mort de ce dernier en 2015. « Aujourd’hui encore, il m’accompagne. Son influence, ses précieux enseignements ne me quittent jamais, et je lui ai dédié une œuvre monumentale lors de ma rétrospective au musée de Fribourg en 2017. » Pour un artiste travaillant le papier, le Japon s’avère une étape incontournable. Bien sûr, les Chinois ont créé le support, mais les Japonais l’ont magnifié, ils l’ont élevé au rang de divinité.


La transmission, une clé dans le parcours de Viviane fontaine. Dès le début de sa carrière, elle s’est attachée à partager ses affinités électives végétales. « Au Japon, le savoir disparaît faute de relève nationale. Fabriquer du papier demeure aujourd’hui un métier difficile, pénible même, et peu lucratif. De fait, les jeunes s’en détournent. Les anciens, quant à eux gardent scrupuleusement leurs secrets, et bien souvent préfèrent les emporter dans la tombe. Il m’a fallu beaucoup de persévérance et de confiance pour en acquérir quelques-uns. » Cette situation permet à Viviane Fontaine de prendre conscience de l’importance de la transmission. À Cerniat, dans son paradis, elle propose de nombreux stages thématiques autour de techniques ou de plantes particulières : ortie, prêle, iris, jonc, etc. Elle s’associe souvent à d’autres artistes, par exemple : Khalid Sanhaji, calligraphe marocain, ou à des passionnés, comme Françoise Rayroud, cueilleuse de plantes depuis plus de vingt ans, afin d’offrir un tour d’horizon plus fouillé du sujet. Elle raconte : « J’expérimente des techniques avec nombre de végétaux, je sais que certains s’adapteront mieux à des réalisations particulières. Je connais les dosages pour fabriquer de bonnes colles, et lors des ateliers que j’organise, j’imprime des feuillets avec toutes les étapes. Il est inutile que les élèves perdent du temps pour arriver aux mêmes conclusions ! Je préfère qu’ils consacrent leur énergie à explorer leur créativité ! »


Lorsqu’elle a commencé à travailler le papier, personne ne songeait à ce matériau. Elle s’est d’abord tournée vers le papier-chiffon produit grâce à des morceaux de tissus broyés. Elle se souvient encore de ses aventures liées à son premier mixeur qu’elle apportait régulièrement en révision au service après-vente du magasin. « L’employé me demandait à chaque fois comment j’avais pu mettre la machine dans un tel état. J’étais jeune et pouvais jouer sur la naïveté, mais il a quand même bien fallu que je m’équipe sérieusement. »


En septembre, Viviane Fontaine devait s’envoler pour un séjour de trois mois au Japon. Le corona virus a eu raison de ses projets, et il est probable que le programme de visites, rencontres et stages soit repoussé au printemps 2021.


Dans l’atelier de Viviane Fontaine, une construction contemporaine sous le chalet, offrant une vue imprenable sur la douceur des paysages de la Gruyère, des seaux remplis de pulpes diverses, des œuvres, des livres qu’elle a écrits, mais aussi de nombreux autres ouvrages de référence. Une atmosphère tendre et propice à la contemplation enveloppe les visiteurs.


En février 2021, le château de Venthône, haut lieu culturel du Valais en Suisse, lui consacrera une exposition. Viviane Fontaine y travaille d’arrache-pied sur ses thèmes de prédilection : la transparence, les arbres, les papillons, notamment. « Les arbres, que je peignais beaucoup à l’école des Beaux-Arts, s’invitent à nouveau dans mes créations. De mon atelier, leurs branches et leurs mouvements m’inspirent des œuvres. » L’artiste a toujours aimé fabriquer des vêtements en papier ou en végétaux. Pour cette exposition, les jours de la semaine lui ont soufflé l’idée de sept petites vestes délicates aux couleurs et aux styles différents. « Au fil du temps, j’ai façonné ma palette de plantes, j’ai appris leur vocabulaire. Au début, je me laissais entraîner, mais maintenant, je les ai apprivoisées, je les connais très bien. J’aime les superpositions et les tons naturels. Aujourd’hui, je peux dire sans rougir que le papier est ma peinture. »



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